Daniel Cagnolati
Par leur côté unique, leur charme et leur originalité, les bronzes de Vienne constituent un thème de collection répandu dans de nombreux pays. Alors, si vous en trouvez un, sachez le reconnaître.
Dans la capitale autrichienne, au milieu du XIXe siècle, des artisans se distinguent également par la production de figurines originales en bronzes qu’on appellera, les bronzes de Vienne. Ils vont se répandre dans le monde entier. De nombreux ateliers et petites usines s’installent dans la ville. Les finitions sont exécutées à la main. Le moindre détail est soigné. Que ce soit au niveau de la ciselure, de la peinture posée à froid ou de la patine, l’erreur n’est pas permise.
On compte alors plus d’une centaine d’artisans regroupés au sein d’une association, la Wiener Bronzen. Durant le XIXe siècle, les artistes créent quelque dix mille modèles, tous aussi séduisants les uns que les autres, et à des prix abordables. Ils s’inspirent de différents styles : Renaissance, baroque et Art nouveau essentiellement. Souvent de petite taille, les bronzes de Vienne peuvent cependant aller de quelques millimètres de haut à près d’un mètre. Objets attractifs, ces sculptures d’une grande finesse surprennent par leur vivacité et leur côté parfois amusant. Ils étaient exportés principalement vers New York, Londres ou Paris.
L’érotisme aussi
Parmi les artistes de la spécialité se distingue Franz Xaver Bergmann (1861-1936). Sa signature est sans doute la plus reconnue. Il est le fils de Franz Bergmann (1838-1894), fondateur d’une fabrique de bronzes dans la capitale de l’Empire d’Autriche-Hongrie, en 1860. Les pièces les plus classiques, dont beaucoup avaient été conçues par son père, sont signées d’un « B » dans un cartouche en forme de vase. Dans un souci de discrétion, les bronzes érotiques sont pour leur part signés « NamGreb », soit Bergmann inversé. Certains animaux comme les ours, qui s’ouvrent par un bouton ou un petit levier, dévoilent à l’intérieur une figurine érotique. Inventif, ingénieux, Bergmann renouvelle sans cesse sa production. Cependant, l’ampleur de la crise économique de 1929 obligera la fonderie à fermer ses portes. Stock et moules sont vendus en 1960 à Karl Fuhrmann qui, par le biais de sa société, continue de faire rêver les amateurs de bonzes de Vienne.
Des instants de grâce
Ces bronzes séduisent pour une représentation naturaliste qui poétise si bien le quotidien, d’autant plus que l’on trouve un vaste choix de sujets. Si la production d’animaux domine, il ne faut pas oublier l’évocation des petits métiers, les inspirations orientales, les orchestres, les saynètes et toujours les sujets coquins.
Avec précision, les sculpteurs autrichiens ont su saisir sur le vif le mouvement et l’expression des visages et des têtes. La légèreté des plumes des oiseaux est perceptible, tout comme la profondeur de la fourrure des chats, l’intelligence du regard, la puissance des muscles, la fragilité…
Mais la différence essentielle avec les autres bronzes tient au savoir-faire du reciselage à la main, ainsi qu’à ces coloris nets, mais pas agressifs, et surtout à ce sens étonnant du naturel. L’attitude est prise sur le vif : un coup de patte, un mouvement de la queue, un cheval qui se cabre, la douceur du regard attendrissant d’un épagneul, les enfants qui jouent…
Des pièces uniques
Certains bronzes de Vienne ont aussi leur utilité. Ils peuvent être tantôt pique-aiguilles, essuie-plume, encrier… Au fil du temps, ils sont devenus un thème de collection à portée de tous les budgets. Si le chien et le chat (chat pianiste, peintre, lisant, dansant…) arrivent en tête des animaux préférés, les goûts évoluent vers un superbe sanglier dont la force est si bien ressentie, un paon dont la légèreté des plumes est sublime, un renard en pleine course, ainsi que vers les sujets orientalistes… Ils permettent de reconstituer des scènes pleines d’éclat, que ce soit des orchestres, des Turcs, des chasses… Ces spécimens sont uniques, ce qui ajoute à leur charme et à l’envie du collectionneur de dénicher une pièce inconnue qui viendra à merveille compléter un ensemble si vivant.
Et l’aventure continue… De nos jours, quelques petites entreprises perpétuent cette tradition et produisent ces objets d’art de belle qualité.
L’avis de l’antiquaire
Beaucoup de copies ont inondé le marché dans les années 1960 à 1980, mais un œil averti s’aperçoit très vite que la qualité des coloris n’égale pas celle du XIXe siècle.
« Les bronzes de Vienne ont toujours la cote. Ils forment un marché “de niche” qui séduit de par la qualité de la fonte, la finesse de la ciselure et le rendu des coloris. Apparus dans les années 1850-1880, ils sont à cette époque signés ou monogrammés, ce qui ajoute à leur valeur. Ils séduisent par leur extrême diversité ; ce qui permet d’organiser des collections souvent drôles, pleines de vie, autour d’animaux, de personnages… Les traits sont d’une finesse extrême. On les apprécie aussi pour leurs couleurs soutenues, ni violentes, ni fondues. D’un réalisme profond, leurs couleurs les font chanter. Leurs traits, d’une grande finesse, sont reproduits avec un réalisme profond. Le rendu est superbe. » Pascal Denoyelle, fondateur de la Maison de ventes Oise Enchères, mais pas commissaire-priseur, Pascal Denoyelle est expert, ébéniste et…sculpteur !
Le marché, quelques prix
Ce type de collection se fait par thème. Les plus fréquents sont les végétaux et les animaux : chats, chiens, grenouilles, etc. Beaucoup plus rares, mais aussi très recherchés, sont les modèles à système comme les représentations de scènes érotiques accompagnées de mouvements articulés. De même pour les orchestres musicaux, mais ils sont souvent incomplets. La clientèle est internationale avec une prédominance des Français et des Allemands. Cependant, il n’est pas aisé de dénicher des bronzes de Vienne.
La fourchette de prix se situe entre 100 et 8 000 euros, selon la qualité de la polychromie et de la finesse de la ciselure, la signature (très peu présente) ; celle de F. X. Bergmann fait référence. La valeur est également fonction de l’époque, de la finesse de la ciselure et de la qualité des couleurs. Les pièces de moindre qualité sont reconnaissables à leur réalisation plus grossière. La présence d’une estampille, qui n’est pas systématique, indique que le bronze aurait été réalisé à partir d’un moule original. Elle garantit l’origine et la nature des métaux employés.
Entre 30 et 100 euros
Un petit âne, chat de petite taille, basset, lutin polychrome, chien de chasse.
Aux alentours de 150 euros
Un grand-duc, un taureau par Bergmann, une femme en position érotique.
Entre 300 et 800 euros
Un bronze humoristique, un dragon de Komodo, un dandy, un vase soliflore polychrome, un orchestre… Surtout si ces réalisations sont de Bergmann.
À partir de 5 000 euros
Un singe polychrome faisant office de porte-aiguilles, une scène orientaliste ou un orchestre de chiens par Bergmann, si les collectionneurs se battent pour les avoir…
