Comme nous pouvons l’observer dans d’autres spécialités, les pièces de qualité moyenne de la Haute époque, une expression qui désigne le plus ancien mobilier que l’on peut s’acheter, se revendent plus difficilement et moins bien actuellement, car le marché se nourrit de plus en plus des meubles rares et remarquables.
Mais qu’est-ce donc que la Haute époque ? Pour les antiquaires, cette période recouvre le mobilier, la statuaire et les objets d’art datant du Moyen Âge, de la Renaissance et du début du XVIIe siècle. Ce terme désigne de nombreux courants artistiques et périodes : art roman ou gothique, style maniériste ou baroque, pour n’en citer que quelques-uns.

Depuis une quinzaine d’années, Bérénice Puiseux, marchande d’art spécialisée en Haute époque, observe une baisse des prix. « Si autrefois on pouvait vendre entre 30 000 et 40 000 euros un beau meuble deux corps, aujourd’hui on ne peut en espérer qu’une somme entre 6 000 et 8 000 euros. » Cependant, notre spécialiste, diplômée de l’École du Louvre et de l’Université Paris I, précise que « les pièces importantes font toujours de bons prix, à l’instar de cathèdres datant du XVe siècle ou encore d’un beau meuble de l’École de Fontainebleau ».
Une histoire de transmission
Bérénice Puiseux a commencé sa carrière à la galerie parisienne Boccador, réputée alors comme l’une des plus importantes en France pour la Haute époque. Elle y restera douze ans. Collaboratrice de Jacqueline Boccador, expert près la Cour d’Appel de Paris, elle a vu passer de nombreux meubles et sculptures de cette période avant de s’installer à son compte en 2016. Récemment, elle a rejoint la plate-forme de vente sur Internet Antikeo. « Ayant eu la chance de travailler pour une grande marchande, véritable figure du marché de l’art, j’ai beaucoup appris à ses côtés ; la qualité apportée au détail, la symbolique et la richesse de l’iconographie », nous confie Bérénice Puiseux. Sa plus belle découverte en mobilier est « un coffre de la Première Renaissance avec de remarquables panneaux d’origine ».

Plus généralement, notre antiquaire tient à signaler la présence fréquente de plusieurs restaurations qui s’expliquent, par exemple, « par le lavage des sols à grande eau qui détériorait la base des meubles ». Par ailleurs, les couvercles des coffres vivaient également souvent une seconde vie. Passionnée par la sculpture occidentale, elle évoque une pietà datant du XVe siècle et provenant du Bourbonnais, et confie « s’être laissée surprendre par le mobilier, qui offre souvent des décors merveilleusement sculptés et témoigne d’un savoir-faire de qualité ».
Cette passionnée observe cependant que les mentalités ont changé : « ceux qui réussissent financièrement préfèrent aujourd’hui dépenser leur argent dans des voyages ou des biens de luxe, sont moins tournés vers le patrimoine que leurs parents et grands-parents, et paraissent moins soucieux d’acquérir de belles pièces ». En outre, on rappellera que bien des appartements actuels sont trop petits pour accueillir de grands meubles. Pour les pièces remarquables, « il y aura cependant toujours des amateurs », estime notre interlocutrice. Et d’ajouter : « Actuellement, les personnes qui achètent des meubles Haute époque les détournent fréquemment : un tabouret sera ainsi utilisé en table de chevet ou en socle pour une sculpture. »

Si les sculptures se vendent plus facilement sur Internet, les meubles retiennent davantage l’attention en galerie. Les petits meubles deux corps ont toujours bonne presse. « Les clients poussent souvent la porte de la galerie sans envie particulière, et se laissent happer », estime notre hôte. Toutefois, « il arrive que certains amoureux du patrimoine se mettent en quête, par exemple, d’une table de communauté religieuse de plusieurs mètres plutôt très rare à trouver ». Il en faut pour tout le monde.
Exemples de prix de mobilier Haute époque
- Entre 2 400 et 2 800 euros : une petite crédence italienne (credenza des XVIe et XVIIe siècles).
- Entre 5 000 et 6 000 euros : un bureau italien du XVIIe siècle.
- Entre 600 et 1 000 euros : un tabouret de chantre.

5 conseils avant d’acheter son premier meuble Haute époque
1. Se former l’œil en visitant par exemple le Château d’Écouen, qui abrite le Musée national de la Renaissance, ou le Musée de Cluny, Musée national du Moyen Âge.
2. Se familiariser avec les antiquités en côtoyant les salles des ventes et les antiquaires. Discuter avec ces professionnels, leur poser des questions, leur demander des explications.
3. Regarder les meubles à l’intérieur, à l’extérieur et derrière pour constater d’éventuelles restaurations.
4. Connaître les différentes essences de bois !
5. Savoir apprécier l’harmonie de l’ensemble d’un meuble.