"Pierre-amédée Marcel-béronneau (bordeaux 1869 - La Seyne-sur-mer, 1937) Salomé Circa 1900"
- Atelier de l’artiste, collection Jacqueline-Denise-Marguerite Marchant, Le Castellet, petite-fille de l’artiste. Vente de l’atelier, Draguignan, 12 décembre 2009.
Après un court apprentissage à l’École Municipale des Beaux-arts de Bordeaux, sa ville natale, Pierre-Amédée Marcel-Béronneau se rend en 1890 à Paris afin d’intégrer l’École nationale des Arts décoratifs, où il suit quelques temps l’enseignement d’Eugène Thirion. C’est en novembre 1892 qu’il intègre l’atelier très prisé de Gustave Moreau, au sein duquel il se lie d’amitié avec Rouault, partageant avec lui son atelier Boulevard du Montparnasse. Considéré par Moreau comme l’un de ses meilleurs élèves, il remporte le premier Grand Prix des Arts Décoratifs en 1893 et le prix Paul Chenavard en 1894. En 1895, il participe pour la première fois au Salon des Artistes français, en présentant sa
Muse, œuvre empreinte d’un mysticisme symboliste très marqué, avant de prendre part en 1897 au Salon de la Rose-Croix de Joséphin Péladan.
Datable du milieu des années 1900, l’huile sur carton que nous présentons s’inscrit dans l’important travail sériel que Marcel-Beronneau consacre pendant plusieurs décennies à la figure de
Salomé. Dès sa prime jeunesse, il puise chez Moreau cette iconographie biblique
[1] tant célébrée par Huysmans, exposant une
Salomé portant la tête de Saint Jean-Baptiste au Salon des Artistes Français de 1896 (cat. n° 182), immédiatement remarquée par le critique Arsène Alexandre qui, dans les colonnes du
Figaro, voit alors en Marcel-Beronneau un parfait
« gustave-moriste » [2]. Notre petit tableau illustre bien la manière singulière dont le jeune peintre, dans les années qui suivent, s’approprie à son tour ce thème en s’éloignant des références plastiques de son maître
. Le corps nu de Salomé, à peine dessiné, tranche par sa chair lumineuse aux reflets verts, enserrée dans de larges touches de couleurs vives. Outre le blanc aux pieds de la fille d’Hérodiade, les couleurs primaires jaune et bleue résonnent comme un rappel symbolique des origines chromatiques du vert, ici omniprésent. S’il vient renforcer le caractère irréel de la figure, le traitement assez synthétique des carnations, modelées dans un subtil camaïeu verdâtre, tend à accentuer le pouvoir de séduction du modèle, dont la pose lascive demeure empreinte de sensualité. Il confère également aux yeux, rapidement esquissés sur le visage par deux petites fentes, un rôle premier, suggestif et hypnotisant. Par son attitude, ce nu peut être directement rapproché des différentes
Salomé que Marcel-Beronneau expose au salon des Artistes Français, respectivement en 1908 (cat. n° 1199) et 1910 (cat. n° 1283) (fig. 1). L’artiste poursuit en effet fiévreusement cette image de femme fatale aux symboles multiples, la métamorphosant parfois en sphinx énigmatique, en courtisane ou en déesse au corps plus ou moins hermaphrodite, inspiré en ce sens par l’érotisme du peintre Frantz von Stuck.
[1] Marc 6, 17-22.
[2] Alexandre, A., « Au Salon des Champs-Elysées »,
Le Figaro, jeudi 30 avril 1896, p. 3.