L’Art nouveau (1890-1910) a eu un impact durable sur la conception des bijoux anciens S’inscrivant dans le cadre de la Belle Époque, une période de richesse croissante et une scène artistique florissante, elle a été l’occasion idéale d’expérimenter de nouvelles techniques, de nouveaux matériaux et de nouveaux motifs. En réaction aux bijoux de plus en plus fabriqués à la machine et en série, les formes de l’art nouveau inspirées de la nature ont été explorées comme jamais auparavant.
Créés par un groupe restreint d’artistes d’avant-garde, les bijoux Art nouveau sont nés en France, en Belgique et dans d’autres parties de l’Europe. Il prend sa source dans le mouvement Arts and Crafts en Grande-Bretagne et les arts du Japon. Les artistes-bijoutiers ont choisi de travailler avec des matériaux semi-précieux, voire non précieux, et leurs créations sont appréciées pour leur originalité et l’excellence de leur design, plutôt que pour la valeur intrinsèque des matières premières.
La joaillerie Art Nouveau fut en grande majorité plébiscité par des femmes mondaines, citons Sarah Bernhardt (1844-1923) grande actrice de l’époque, ou bien La Belle Otero (1868-1965) célèbre cocotte. Le grand public frileux face à tant de nouveauté préférait l’éviter.
I°/ Techniques et matériaux dans la joaillerie Art Nouveau
Le plique-à-Jour
Outre la maîtrise de la technique du moulage et de la sculpture de l’or, la technique la plus importante utilisée par les créateurs de l’Art nouveau est l’émaillage. Connue sous le nom d’émail sans fond, la plique-à-jour permet à la lumière de passer par l’arrière de l’émail et donne une qualité tridimensionnelle distinctive, créant un effet de translucidité et de légèreté.
Cette technique était extrêmement difficile et prenait beaucoup de temps, exigeant les plus hauts standards d’artisanat. Comme pour toute pièce d’artisanat habile, les parties cachées (arrières) étaient également magnifiquement finies et l’articulation garantissait que les plus grandes pièces bougeaient tout à fait avec le corps, comme une seconde peau.
Cette broche de la maison Boucheron incarne le style Art nouveau, tant au niveau de la mode que de la fabrication. Ici dans cette technique d’émaillage appelée plique-à-jour, l’émail vitreux est appliqué sur des cellules de fil ajouré sans support, créant ainsi l’effet transparent du vitrail.
La basse-taille et le guillochage
La Plique-à-jour était souvent combinée à d’autres techniques telles que la basse-taille, qui est un bas-relief généralement en argent ou en or, créé par gravure. Le guillochage, une technique de conception qui produit des motifs complexes et répétitifs en gravant mécaniquement dans un matériau sous-jacent, était une autre technique populaire utilisée par les fabricants de bijoux Art nouveau.
Les matériaux dans les bijoux Art Nouveau
Rompant avec la tradition, les bijoutiers Art nouveau ont mis l’accent sur les montures plutôt que sur la pierre elle-même, ce qui leur a permis d’expérimenter de magnifiques techniques d’émaillage ainsi que différents matériaux, notamment des pierres semi-précieuses et non précieuses. Cela signifiait également mettre davantage l’accent sur l’art artisanal et redéfinir les notions collectives de ce qui détermine la valeur.
En conséquence, les pierres précieuses et les métaux ont été utilisés de manière innovante aux côtés de matériaux plus inhabituels comme la corne, l’ambre, l’ivoire, le verre encadrés par un délicat travail d’orfèvrerie. Les diamants étaient davantage utilisés comme pierres d’accentuation, tandis que la pierre de lune, l’améthyste, l’opale, l’ambre, la citrine, le péridot et les perles d’eau douce étaient courants.
II°/ Couleurs et motifs Art Nouveau
On peut définir l’atmosphère de l’Art nouveau comme étant doux, mystique et romantique avec des couleurs pâles, sourdes et des courbes fluides et ondulantes. Les formes féminines ressemblant à des nymphes et une variété de flore et de faune, comme les libellules et les papillons, ont été transformées en formes décoratives et traduites en motifs souvent chargés de connotations symboliques reflétant l’esprit fin de siècle de l’époque.
La représentation des femmes dans les bijoux Art nouveau était simultanément érotisée et romancée, souvent imprégnée de motifs d’insectes et de fleurs et de sexualité inférée. Il s’agit peut-être d’une réaction à l’évolution du rôle de la femme à l’époque, qui s’inscrit notamment dans le cadre du mouvement pour le droit de vote des femmes qui s’est répandu dans les pays européens au début du XXe siècle. Il n’est donc peut-être pas surprenant que les porteuses les plus avides de ce type de bijoux aient été les femmes riches mais bohèmes de l’époque.
III °/ Lalique : un bijoutier Art Nouveau hors pair
L’œuvre de René Lalique (1860-1945) est une synthèse de tous les arts. Les formes, les contours et le relief peuvent rappeler la sculpture, et son utilisation de la couleur ressemble beaucoup à celle de la peinture. Lalique était avant tout un designer. Une fois inspiré par un sujet, qu’il s’agisse de la flore, de la faune, des guêpes ou des paons, il en créait des variations en utilisant différents modèles et matériaux.
Parmi les contributions de Lalique, citons le développement de nouveaux tons tamisés dont la couleur pouvait changer à la lumière naturelle tout au long de la journée. En complément de ses couleurs subtiles, Lalique a également utilisé avec succès une gamme de nouveaux matériaux : pierres semi-précieuses, ambre, nacre, écaille de tortue, corne, perles et métaux communs. Son utilisation de matériaux exotiques et souvent fragiles, notamment le verre moulé, l’émail et la corne, était révolutionnaire.
Souvent créées comme des hybrides, ses pièces se distinguent par leur capacité unique à combiner des éléments de sculpture, de peinture et du mouvement Arts and Crafts. S’affranchissant des styles historiques, il a fondé ses créations sur des formes de plantes, d’oiseaux et d’insectes, célébrant leur forme en les prodiguant avec la plus grande minutie.
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