Bernard Boutet de Monvel "Le Portraitiste"

Bernard Boutet de Monvel “Le Portraitiste”

(1881 Paris-1949 Sao Miguel aux Açores)

«Ma famille est une famille d’artistes, j’ajouterai d’artistes de premier ordre car presque tous furent célèbres . Il me semble qu’au fond de moi vit un peu de tous ces vieux parents dans lesquels tant de personnages différents se sont incarnés ; je voudrais être Agnès et l’amoureux et le père noble et le comique et le tragédien ; je voudrais être prince, savetier, héros, bandit, prêtre mais surtout et avant tout un vrai artiste».

Maurice Boutet de Monvel( 1850-1913) dans une lettre à son ami le peintre Will H. Low

Naissance et formation:

Bernard Boutet de Monvel fait partie de ces figures qui mériteraient d’être le héros d’un roman, d’un film ou d’une bande dessinée. Sa généalogie, à elle seule, pourrait faire l’objet d’une recherche, tant s’entremêlent de peintres, d’acteurs, de dramaturges ou d’actrices célèbres.

Né à Paris (IVe arrondissement) dans une famille où, visiblement, la fibre artistique se perpétue, Bernard Boutet de Monvel se tourne directement vers le métier de peintre. Son père, Louis Maurice Boutet de Monvel était illustrateur. Il transmet très tôt à son fils ses premiers cours de dessin.

Bernard reçoit un début de formation plutôt « classique ». Elève du peintre Luc Olivier Merson (élu à l’Académie des Beaux-Arts) et du sculpteur Jean Dampt qu’on situe plutôt dans la tranche de l’Art Nouveau, ce sont ses relations qui lui font emprunter un chemin différent, et qui le convertiront petit à petit en une figure emblématique de l’Art Déco.

Dans ses cours avec Merson, Il se lie d’amitié avec Louis Mclellan Potter, peintre américain qui l’initie à l’eau forte. Puis il fait la rencontre décisive d’Eugène Delâtre, graveur et peintre aquarelliste de renom qui lui enseigne la technique de l’eau forte en couleurs au repérage. Bernard Boutet de Monvel fait rapidement ses preuves par cette technique, mieux que ça , il la maîtrise comme personne !

Carrière: “Le Portraitiste”

Il fait rapidement l’objet de grandes expositions tant pour ses gravures que pour ses peintures à l’huile. Dès 1903, il expose à la Société Nationale des Beaux Arts, aux Salons d’Automnes et aux Salons Indépendants. Son œuvre s’exporte aux États-Unis où il devient très populaire. A partir de 1907, il envoie régulièrement des œuvres au Carnegie Institute de Pittsburgh. Et plus tard, à partir de 1926, quand l’artiste voyage à New-York, il fait l’objet d’une rétrospective au Anderson Galleries ainsi que d’une exposition de ses peintures au Musée d’Art de Baltimore. Il se convertit rapidement en portraitiste le plus sollicité de la Café Society américaine. Ses modèles ont pour noms : Vanderbilt, Rockefeller, Astor ou Whitney.

La carrière de Bernard s’inscrit dans une dynamique artistique particulièrement prolifique aux États-Unis : celle du précisionnisme. Son œuvre à l’esthétique de plus en plus géométrique fait la joie des américains. De plus, Bernard utilise une technique profondément moderne qu’ il conserve toute sa carrière durant. Immense portraitiste, Il prend d’abord une photographie de son ou sa modèle avant de la reporter à l’aide d’une grille, sur sa toile.

L’œuvre de Bernard a ce quelque chose d’élégant, de distingué de profondément chic . Son goût de la stylisation annonce l’Art Déco. Bernard propose une peinture linéaire ( il travaillait avec une règle et un compas), sans relief, sans ombres et sans vernis brillant. Il propose un autre genre. Beaucoup de profils, type médailles. Un style d’illustrateur. Son art du portrait et de la silhouette géométrique, son bon goût, accentué de son aspect avantageux de dandy parisien lui vaut l’admiration et le soutien du grand couturier Paul Poiret. Cela lui vaudra de travailler pour des grands magazines de mode tels que la Gazette du Bon Ton, Le Journal des Dames et de la Mode, puis dans les années 1920, Vogue et Harper Bazaar. D’ailleurs, la manière dont il agence ses illustrations de mode est d’une esthétique géométrique si parfaite, si glamour, qu’un bon nombre de magazines de modes se servent encore aujourd’hui de ses dessins.

Bernard fait partie de ces hautes sphères sociales, de ces cercles d’artistes des années folles qui s’étendront jusque dans les années 1950. Parmi eux, il serait bon de citer Georges Villa, également présent sur notre site.

Parenthèse militaire et voyage au Maroc

Parenthèse militaire dans sa prolifique carrière, il est mobilisé dès 1914 mais blessé à la bataille de la Somme. Transféré comme bombardier, puis comme pilote, il est l’auteur d’un tour de main remarquable qui lui vaut la reconnaissance de la France et de la Roumanie. Il est décoré de la Légion d’Honneur en 1917. Il demande alors à être envoyé au Maroc.

Il s’installe à Fès et la beauté de l’Orient lui fera reprendre ses pinceaux. Ses peintures et ses bas reliefs marocains forment, selon le peintre et les commentaires de son ami Jacques Majorelle, la plus belle partie de son œuvre. Le texte d’introduction au catalogue, que rédigèrent à cette occasion Jérôme et Jean Tharaud, s’achevait par ces mots : « Du Maroc , Boutet de Monvel a fixé l’apparence d’un jour et de toujours juste au moment où cette profonde unité risque de disparaître ; à l’instant dramatique où la vieille cité d’islam commence à sentir peser sur elle la menace de notre civilisation. »

En 1924, il s’installe avec sa femme, Delfina Edwards Bello dans un hôtel particulier du VIIe arrondissement. L’appartement est arrangé par son ami Louis Sue ( avec qui il a déjà collaboré au sein de la Compagnie des artistes français) . Le mobilier, entre art déco, style Napoléon III, et meubles vénitiens du XVIIIe a fait l’objet d’une vente mémorable par Sotheby’s en 2016.

Bernard meurt le 28 juin 1949 dans le tristement célèbre crash du Paris-New-York aux côtés de Marcel Cerdan, de Ginette Neveu et de tant d’autres.