André-Charles Boulle (1642-1732) est un ébéniste, fondeur, ciseleur, doreur et dessinateur français des XVIIe et XVIIIe siècles. Vers 1666 il intègre la manufacture des Gobelins et y travaille en tant que décorateur et sculpteur sur bois sous la direction du peintre Charles Le Brun. C’est à cette époque que Jean-Baptiste Colbert le remarque et le recommande au roi Louis XIV. A cette occasion, il reçoit les titres d’architecte, de peintre, de sculpteur en mosaïque, de ciseleur-graveur, de marqueteur et d’inventeur de chiffres, ce qui l’autorise à recourir à des techniques réservées à différentes corporations et en fera un des artistes majeurs du style Louis XIV.
I. André Charles Boulle : une double innovation
Innovation technique par la marqueterie
Une des innovations majeures apportée par André-Charles Boulle est sa maîtrise de la marqueterie en parties et contreparties. Toutefois, si d’aucuns le considèrent comme l’inventeur de ce procédé, l’ébéniste de Louis XIV, Pierre Gole (1620-1684), s’essaie déjà à la tarsia a incastro quelques années auparavant. Il s’agit de marqueterie de bois rehaussée d’éléments métalliques. Néanmoins, Boulle en perfectionne la technique.
Le procédé mis au point par A.C. Boulle consiste en la superposition de feuilles de différents matériaux, généralement du cuivre, du laiton, de l’étain, de la corne et de l’écaille de tortue imbriquée. Ensuite, en une seule opération, un motif est découpé au travers des différentes couches étagées. La procédure terminée, il y a autant de motifs et de fonds que de feuilles superposées initialement. L’ébéniste peut alors reconstituer des panneaux composés de fonds (parties) et de motifs (contreparties) de matières différentes. Ces panneaux recouvrent ensuite les bâtis de meubles.
Innovation par la forme
Au-delà de l’innovation apportée avec la marqueterie en parties et en contreparties, André Charles Boulle s’intéresse également au renouvellement des formes du mobilier. De fait, il invente de nouveaux types de meubles tels que des commodes, des bureaux plats ou des tables sans traverses. Ce mobilier inédit s’illustre au travers de commandes prestigieuses passées par le Garde Meuble, notamment à l’occasion de l’aménagement de la Ménagerie de Versailles ou de Trianon.
II. La marqueterie boulle aux XVIIIe et XIXe siècles
En France
Si la marqueterie de Boulle tombe en désuétude à la mort de l’ébéniste en 1732, un regain d’intérêt s’observe dès les années 1750. Cet attrait est attribué, entre autres, au Marquis de Marigny, frère de Madame de Pompadour, grand collectionneur de mobilier Boulle. Afin de fournir leur clientèle, de grands marchands achètent les oeuvres de Boulle. Il n’hésitent pas à les modifier, les recouper, ou en extraire les panneaux de marqueterie afin de créer de nouvelles pièces. Par exemple, la famille de marchands merciers Julliot restaure les meubles Boulle, enlever le plateau en marqueterie supérieur et le remplacer par du marbre.
A l’étranger
En outre, alors que la technique reste appréciée durant la seconde moitié du XVIIIe siècle en France, elle devient populaire en Allemagne et en Angleterre. En effet, ce goût est valorisé outre-manche dès le début du XIXe siècle. Du mobilier similaire est créé sous le nom de Buhl Marquetery.
III. La marqueterie Boulle et le style Napoléon III
L’appétence du Second Empire pour la marqueterie Boulle
En France, la marqueterie Boulle connaît un nouvel âge d’or avec l’avènement du style Napoléon III. Cette appétence du Second Empire pour ces décors richement composés se traduit par leur omniprésence au sein des arts décoratifs. Ils recouvrent des lambris muraux, des meubles d’appuis, des pianos droits, des caves à liqueur Boulle, des cartels Boulle, des horloges de parquet Boulle, des salles-à-manger entières, des bureaux en pente,…
Les innovations apportées par le style Napoléon III
Néanmoins, des différences notoires sont à identifier eu égard aux matériaux et aux techniques de production utilisés. D’une part, les écailles ne proviennent plus de tortues imbriquées mais de tortues franches. Elles sont reconnaissables à leurs taches plus nettes. Le bois, quant à lui, est généralement du fruitier (poirier) noirci et non plus de l’ébène. D’autre part, bien que certains de ces meubles soient produits de manière artisanale, la Révolution Industrielle, alors en plein essor, influence la production de ce mobilier : les filets de laiton sont des simulacres peints, les motifs métalliques sont dénués de gravures, les écailles sont peintes en trompe l’œil et le placage utilisé est beaucoup plus fin. Par conséquent, du mobilier de qualité variable arrive sur le marché durant la seconde moitié du XIXe siècle.
IV. Postérité contemporaine d’André-Charles Boulle
Durant la seconde moitié du XXe siècle, une nouvelle tendance s’impose en décoration : confronter les chefs-d’œuvre de la tradition et l’art design. C’est dans cette esprit de confrontation que Claude Dalle crée la Maison Roméo en 1974. Parmi les vedettes des catalogues Roméo, André-Charles Boulle et ses célèbres marqueteries. Il est rejoint par d’autres grands ébénistes des XVIIIe et XIXe siècles, associés au design en vogue .
Enfin, plus récemment, des artistes français ont remis la marqueterie Boulle au goût du jour. Ils l’intègrent dans la création de mobiles, panneaux muraux et coques de smartphones, entre autres.