Aspects techniques
La technique de la faïence consiste en une céramique composée de pâte argileuse tendre et poreuse, recouverte d’un enduit imperméable et opaque. Il existe plusieurs types de faïence ancienne, différenciées par la nature de la glaçure. Elle peut être plombifère ou stannifère (à base d’oxyde d’étain). Par ailleurs, les pièces de “faïence fine” sont réalisées à base d’une argile choisie pour sa qualité et sa blancheur.
Le décor peut être réalisé de deux manières. La première technique est dite de « grand feu ». Dans ce cas, la pièce ne subit qu’une seule cuisson, d’assez haute température (900° C). Le décor est peint directement sur l’émail cru, l’artiste n’a donc pas le droit à l’erreur. La seconde technique dite de « petit feu », consiste en une double cuisson de la pièce. En effet, l’objet est cuit une première fois, à haute température, afin de vitrifier l’émail. Ensuite, il est cuit seconde fois, à plus basse température (entre 650 et 700° C), afin de fixer le décor. Les cuissons pour fixer la couleur peuvent se multiplier en fonction du nombre de couleurs. La raison de cette baisse de température est due aux pigments, qui ne supportent qu’une cuisson à basse température. C’est pourquoi lors de cuissons multiples, les pigments les plus résistants sont posés et cuits en premiers.
Pourquoi bleu et blanc ?
L’association classique du bleu et du blanc n’est pas, contrairement à ce que l’on pourrait penser, une invention proprement chinoise. Le monde est connecté par des routes, les Hommes et surtout les objets circulent. Les porcelaines blanches chinoises arrivent donc dans la région iranienne, qui est très familière avec l’utilisation de la couleur bleue depuis un long moment. Ils décident alors de copier ces porcelaines blanches en ajoutant des motifs à leur gout, de couleur bleue. Ces pièces circulent à nouveau, se faisant parfois passer pour des originaux chinois aux yeux des européens. Lorsque les céramistes chinois entrent en contact avec cette production, ils s’en emparent et les transforment en « bleu et blanc », des porcelaines connues et reconnues de la dynastie Ming.
De Bagdad à Majorque …
La technique de la faïence est le résultat des communications entre différentes sociétés. En effet, les céramiques issues du monde islamique influencent beaucoup la production européenne. Inventée au début du IXème siècle à Bagdad, la faïence à proprement parler est une terre cuite recouverte d’une glaçure blanche et opaque, grâce à l’oxyde d’étain. Ici, la cuisson est en deux temps, et les décors sont apposés sur la glaçure.
Le lustre métallique est une variante de la technique de la faïence. Issue du monde islamique, elle confère aux décors des céramiques des reflets chatoyants. Ils sont produits par l’ajout d’oxydes métalliques dans le pigment et par une cuisson dans une atmosphère dite « réductrice », c’est-à-dire sans apport d’oxygène.
La technique de la faïence et le chatoiement du lustre métallique arrivent alors en Europe. Les pièces circulent effectivement jusqu’en Espagne, à Majorque précisément. Plus ou moins bien copiées, ces céramiques prennent le nom de « majolique » et traversent la Méditerranée jusqu’en Italie. Arrivés en Toscane, ils sont étudiés et une nouvelle fois copiés par les artisans de Faenza, d’où la technique tire son nom actuel.
… en passant par la Chine
Une autre technique issue d’une société différente influence les céramistes iraniens puis européens. Effectivement, à partir du XVIème siècle, de nombreuses pièces de porcelaine affluent depuis la Chine jusqu’en Europe, en passant par l’Iran safavide. Elles connaissent un grand succès, leur forme et la pureté de leur couleur blanche intéressent beaucoup. En conséquence, les céramistes tentent très rapidement de les copier.
Malheureusement, les gisements de kaolin indispensables ne sont trouvés en Europe qu’au milieu du XVIIIème siècle. Cette argile blanche est extrêmement dure une fois cuite et est indispensable dans la confection de porcelaines. Par ailleurs, les pièces confectionnées avec du kaolin doivent être cuites à très haute température (1200° C), que n’atteignent pas encore tous les fours.
En résumé, la faïence telle que nous la connaissons en Europe est influencée d’un côté par une technique issue du monde islamique et de l’autre par une esthétique chinoise. Cette double origine est mise à l’honneur au Musée national de la Céramique de Sèvres.
Premières étapes
En conséquence, les céramistes recouvrent leurs pièces, aussi appelées « biscuit », d’une glaçure blanche et opaque puis ajoutent des motifs colorés au fur et à mesure. En Italie, chaque ville possède ses propres ateliers, qui produisent des pièces de faïence caractéristiques. Les plus connus sont les ateliers de Deruta, de Gubbio, et d’Urbino. Ils peuvent prendre pour modèle des œuvres célèbres de leur contemporains, comme Raphaël. Au départ multicolore, c’est à Faenza que la mode des faïences bleues et blanches est lancée.
En France, la technique de la faïence est importée en même temps que les artistes italiens. De manière concomitante, Bernard Palissy (1510-1589) poursuit ses recherches. Ses œuvres, singulières, sont innovantes par leur imitation poussée de la nature. En parallèle de ces innovations, les techniques traditionnelles de la terre cuite vernissée (ou glaçurée) et du grès (une terre cuite à forte teneur en silice, cuite à haute température) sont améliorées. D’un côté, les productions de prestiges se développent en France, tandis qu’en Allemagne on continue de parfaire les techniques de cuisson.
Comment reconnaître la faïence ancienne ? : Décors et techniques des manufactures françaises
La technique de la faïence atteint son apogée en France à travers des manufactures qui se développent au début du XVIIème siècle sur l’ensemble du territoire. Elles servent une politique culturelle ostentatoire, dans la lignée de la magnificence de la Renaissance, chaque manufacture possédent ses types de décors et particularités à savoir identifier, afin de pouvoir identifier ces faïences anciennes. Plusieurs manufactures se démarquent jusqu’à la Révolution et l’apogée de la porcelaine, qui signent le déclin de ces manufactures.
La faïence de Rouen
Rouen est une ville de faïence depuis le XVIe siècle grâce aux réalisations de Masséot Abaquesne. Formé à Faenza, il travaille pour le connétable Anne de Montmorency qui lui commande le pavement de sa demeure d’Écouen. À la fin du siècle suivant, la ville connait un renouveau grâce la famille Poterat. Effectivement, Louis Poterat s’essaye à la porcelaine, et obtient en 1673 le privilège de continuer ses recherches afin d’en trouver le secret de fabrication. Il souhaite faire de la porcelaine comme en Chine avec un décor bleu et blanc. Si bien qu’aux alentours de 1675, il parvient à façonner une pâte artificielle dite « porcelaine tendre ».
En effet ces productions ne sont pas de la porcelaine proprement dite, car elles ne contiennent pas de kaolin, élément donnant sa dureté à la porcelaine. Tendre, car la glaçure est cuite à moins de 200°, elle n’est pas entièrement vitrifiée, pour preuve, elle se raye facilement au couteau. Quoi qu’il en soit, les faïences de Rouen ont su à l’époque bénéficier de cet abus de langage, pour notre plus grand bonheur aujourd’hui.
Le succès ne tarit pas puisque plus tard, en 1749, Rouen compte treize manufactures, qui possèdent 23 fours. À la même date, il y en a onze à Nevers, près d’une dizaine de manufactures de faïences de Marseille, et à peu près autant à Moustiers.
La faïence de Moustiers
La famille Clérissy est certainement la première à s’installer à Moustiers. Peut-être italiens, ils arrivent en 1550 et dirigent l’atelier jusqu’au milieu du XVIIIème siècle. La production, dite de “grand feu”, est caractérisée par des motifs en camaïeu de bleus. Les ateliers s’illustrent par différents types de décors.
La première catégorie concerne les décors ” à la Bérain “, qui s’articulent autour d’un personnage central entouré d’arabesques symétriques. La seconde concerne les plats à scène de chasse d’Antonio Tempesta. La troisième se caractérise par des guirlandes de fleurs entourant un petit motif central. Enfin, la dernière se différencie par des personnages et des animaux burlesques, polychromes et entourés de motifs floraux.
Différentes familles s’illustrent dans la production de la faïence de Moustiers. Cependant, les manufactures ferment les unes après les autres à partir de 1830.
La faïence de Nevers
La manufacture se développe surtout dès la fin du XVIème siècle. En effet, le duc Nevers, Louis de Gonzague, fait venir des artisans d’Italie, son pays d’origine. Augustin Conrade et ses frères sont appelés en 1588. Leur succès est tel que la ville est rapidement considérée comme la capitale de la faïencerie française. Dite de “grand feu”, la production se caractérise par des coloris blanc, bleu, orange et brun. Au départ, les pièces sont exécutées de manière artisanale, avec un style plutôt italien. Au XVIIIème siècle, les faïences patronymiques, plus populaires, ont un grand succès.
Après la Révolution, la manufacture devient un grand centre de production de faïences patriotiques. Cependant, au fur et à mesure, la qualité baisse et les pièces sont produites de manière industrielle. La concurrence anglaise et le développement de la porcelaine font fermer presque toutes les faïenceries. Finalement, seuls deux ateliers de faïences de Nevers subsistent de nos jours.
Et les droits d’auteurs ?
La signature est très importante dans le monde de l’art et dans celui de la céramique. Les artistes signent pour affirmer leur statut et contrôler leur production. C’est une étape importante dans la production artistique, si bien que dans le monde du marché de l’art, attester et prouver l’origine d’une pièce en augmente la valeur. Ainsi, les artistes signent de différentes manières. Pour cela, ils peuvent utiliser un poinçon, peindre sur la glaçure, graver avec une pointe métallique ou laisser une marque caractéristique avec leurs doigts.