Le style Directoire (1789-1804) succède au style Louis XVI. Ce style, du nom du régime du Directoire (1795-1799) marque une rupture dans l’univers du mobilier ancien et ce, à plusieurs égards. En effet, les formes, les matériaux et les types de meubles en vogue jusqu’alors se modifient. Les meubles Directoire : lits, commodes et tables et chaises Directoire sont de véritables innovations, tant sur le plan esthétique que technique.
Cet article vous donnera quelques clefs pour reconnaître le style Directoire.
I. Contexte socio-politique du style Directoire
La Révolution marque un tournant dans la création de mobilier. D’une part, elle abolit définitivement les corporations en 1792. Cela provoque une dérégulation de la production de mobilier. En effet, les règles relatives aux bronziers, ébénistes, menuisiers, marbriers,… disparaissent. D’autre part, la royauté, le haut-clergé et la noblesse, principaux commanditaires de mobilier sous l’Ancien Régime, deviennent persona non grata. Par conséquent, le mobilier doit s’adapter, et devenir moins coûteux.
Cependant, l’instauration du Directoire en 1795, suivi, quelques années plus tard, du Consulat (1799) structure à nouveau les rapports sociaux et la redistribution des richesses. Dès lors, les commandes étatiques auprès des ébénistes et menuisiers se font plus nombreuses. Par ailleurs, la bourgeoisie, nouvelle classe dirigeante, souhaite acquérir des meubles à la hauteur de son pouvoir. Enfin, la nouvelle classe moyenne entend disposer d’un mobilier confortable. Ces trois facteurs façonnent le style Directoire.
Cet article, sans se prétendre exhaustif, présente les traits généraux du style Directoire, spécialement en mobilier. Au terme de cette brève présentation, le style Directoire ne devrait plus avoir de secrets pour aucun lecteur !
II. Le style Directoire : une révolution de matériaux
Avec le Directoire, les placages en bois précieux, en bronze, en écailles et les pièces rapportées en bronze tendent à disparaître. Le mobilier se réalise en bois massif. Des filets de citronnier ou d’ébène substituent les éléments de bronze rapportés. Les décors en bois sculptés deviennent presque inexistants.
L’acajou et le merisier deviennent les essence à la mode. Un filet de cuivre encadre les larges panneaux. La marqueterie, quant à elle, devient beaucoup plus rare. Les essences françaises, telles que le chêne, le hêtre, le peuplier, le frêne ou le châtaignier, servent à la production de mobilier. Toutefois, une peinture ou une laque de couleur grise, souffre, vert d’eau ou autre tons pastels recouvrent le bois. Cette peinture est rehaussée par certains détails et éléments dorés.
III. Le style Directoire : une révolution de décors
Un style à l’étrusque
Digne successeur du style Louis 16, le style Directoire symbolise cette appétence pour l’Antique et pour ses lignes droites et la symétrie. Néanmoins, l’épuration des formes initiée sous l’aire précédente devient plus radicale : les nœuds, guirlandes, fleurs et motifs bucoliques caractéristiques du Louis 16 disparaissent. La raideur est le maître mot. Toutefois, la légèreté initiée précédemment reste de mise. Ce design « à l’étrusque », fin et aérien est une des caractéristiques du style Directoire. Il faut attendre le style Empire pour que le mobilier s’alourdisse.
Motifs géométriques
Les lignes du Directoire sont d’une extrême pureté. Les motifs, quant à eux, sont géométriques. Les décors privilégiés par le Directoire sont le carré, le rectangle, la strie, le cercle ou l’ovale. Cependant, le losange, qu’il soit peint, marqueté, ou ajouré, devient le motif phare qui permet de reconnaître le style Directoire.
Motifs issus de l’Antiquité gréco-romaine et égyptienne
L’omniprésence de motifs de l’antiquité gréco-romaine permet de reconnaître le style Directoire. La palmette, par exemple, est un décor caractéristique de ce courant. Elle orne généralement une frise, un bandeau, un dé de raccordement, le dossier ajouré d’une chaise, un chapiteau ou est seule en applique.
D’autres symboles néo-pompéiens ou étrusques sont caractéristiques du mobilier Directoire. Il s’agit de vases antiques, de profils renversés, d’urnes, de laurier ou de faisceaux de licteurs romains.
Plus tardivement, alors que le Directoire touche à sa fin et que Bonaparte revient de sa Campagne d’Égypte, quelques représentations de l’Égypte antique telles que des scarabées, des pyramides ou des cariatides apparaissent. Ces éléments annoncent le style retour d’Égypte qui connaîtra son heure de gloire quelques années plus tard avec le style Empire.
Motifs révolutionnaires
Alors que les principaux commanditaires du mobilier Directoire sont les vainqueurs de la Révolution, l’imagerie révolutionnaire et belliqueuse sert de décors. Effectivement, des mains unies, un bonnet phrygien, un arbre de la liberté, des armes, des casques, des boucliers ou des trophées militaires deviennent des motifs en vogue.
Motifs animaliers
L’imaginaire animaliers, inspiré de la mythologie ou du règne animal agrémente certaines pièces de mobilier. De fait, cygnes, griffons, serpents, sphinx, sphinges, têtes et griffes de lions, d’aigles ou béliers sont des éléments ornementaux typiques du style Directoire, notamment au niveau du piètement de meubles.
IV. Les différents types de meubles sous le Directoire
Les sièges
L’esthétique des sièges sous le Directoire se modifie. D’emblée, il y a lieu de préciser que les fauteuils sont les grands oubliés de ce courant. La création de bergères, cabriolets et autres sièges est presque inexistante. Les fauteuils Directoires sont des chaises avec des accoudoirs. La seule invention est le fauteuil à cornes, dont le dossier s’évase à partir des accoudoirs.
Les piétements des chaises et fauteuils Directoires sont carrés et les pieds arrières sont en forme sabre. Les pieds avants, quant à eux, sont en fuseaux, droits ou en sabres. Il peuvent être tournés et bagués ou en gaines.
Les dossiers sont presque tous ajourés au détriment des dossiers rembourrés. L’ajourage se réalise à l’aide des décors développés sous le Directoire tels que des lyres, palmettes, croisillons, grilles, losanges ou carrés sur la pointe,…
La grande innovation apportée avec les sièges et chaises Directoires est le dossier dit « enroulé ». La traverse supérieure s’enroule sur elle-même en crosse vers l’extérieur du dossier. Le dossier en hémicycle fait son apparition et se caractérise par sa traverse supérieure en demi-lune, située à hauteur des omoplates de la personne assise. En outre, il n’est pas rare que le dossier se termine soit par une poignée creusée dans le bois ou par une balustre tournée. Cela permet de saisir facilement la chaise.
Les sièges gondole et curule apparaissent également à cette période. Le siège gondole, bien que Directoire, demeure un modèle fréquent sous l’Empire. Cette chaise dispose d’un dossier plein, ornementé de motifs en bois ou recouvert de tissus, de forme concave, dont les extrémités inférieures rejoignent la ceinture de l’assise à l’avant.
Enfin, le siège curule, inspiré de l’Antiquité romaine, se compose de deux X, rejoints par des traverses. La partie supérieure du X fait office d’assise alors que la partie inférieure constitue le piétement.
Armoires et commodes
Les armoires Directoires sont très sobres. Elles se distinguent grâce à leur double vantaux, à leur ornementation de pilastres, striées ou non, et à leur losanges sur le fronton et/ou les portes.
Il en est de même pour les commodes, généralement épurées, à formes géométriques. Les moulures sont peu nombreuses, les pieds sont en gaine ou se terminent avec des griffes de lions. Les motifs traditionnels du Directoire les ornent : palmettes, losanges, cariatides aux angles,…
Les tables
Sous le Directoire, contrairement à la période précédente, le nombre de tables à usages différents s’amenuise. Les guéridons circulaires sur un trépied deviennent extrêmement populaires dans les salons. Les tables de salle-à-manger, circulaires, à abattants ou non, en acajou ou en merisier massif se généralisent et deviennent caractéristiques du style Directoire. Il s’agit de tables à allonges médianes, de quatre à huit pieds gaines ou de section carrée, terminés par un sabot de bronze . Enfin quelques petites tables demeurent, telles que les tables bouillottes, les sellettes ou les tables à tricoter.
Les lits
Si le design des lits est revu sous le Directoire, un grand changement opère avec l’apparition des lits de repos et méridiennes.
Des colonnes ornent chaque côté des pans, qui sont soit être en bois soit capitonnés. La tête de lit peut être enroulée en crosse sur le dessus. Un fronton en triangle, rappelant les temples grecs surmonte la tête de lit. Des motifs géométriques comme le losange ou le carré l’ornent, accompagnés de rosaces ou de stries. Des motifs antiques tels que des vases, des portraits complètent parfois le milieu des frontons.
Les lits de repos disposent, quant à eux, d’un dossier à chaque extrémité, généralement enroulé. Leur piétement est soit gainé, soit tourné, soit en sabre. Enfin, la méridienne se distingue du lit de repos en ce qu’elle dispose d’un seul dossier.