Porte ancienne sculptée – Punu (Gabon) Provenance : Sud-Ouest du Gabon, peuple Punu (ou Bapunu), région de la Ngounié ou du Nyanga Datation estimée :Fin XIXᵉ – début XXᵉ siècle (vers 1880-1920) Dimensions :
Hauteur : 95 cm
Largeur : 43 cm
Épaisseur : 2,5 cm environ Matière : Bois léger (essence locale type fromager), patine claire naturelle, traces d’érosion et d’usure cohérentes, éclats anciens, restes de polychromie blanche et ocre. Éléments rapportés : fibre végétale tressée, pendentif auriculaire en gousse séchée (probablement piment rituel), fixée à l’oreille droite.
Sculptée d’un seul tenant dans une planche de bois, cette porte présente une figure féminine en haut-relief occupant tout le champ vertical.
La femme, représentée nue, est figurée dans une attitude frontale et hiératique, les jambes fléchies, les bras levés, les paumes ouvertes vers l’extérieur dans un geste d’offrande et de protection. Le modelé puissant du corps s’équilibre avec la finesse du visage et la régularité des scarifications ventrales.
Visage ovale, yeux mi-clos, bouche charnue et scarification frontale en losange typique des masques mukudj ;
Haute coiffure en coques latérales finement striées, signe de statut noble ;
Scarifications abdominales losangées en relief, symboles de fertilité et d’appartenance lignagère ;
Bijou d’oreille unique en fibre et graine séchée, probablement à valeur rituelle ;
Corde tressée fixée au bras droit, sans doute vestige d’un lien symbolique ou d’un talisman protecteur suspendu à la porte.
La composition, très structurée, conjugue symétrie sacrée et humanité expressive, typique de la sculpture punu ancienne antérieure à l’influence fang.
Les bords irréguliers et l’usure d’origine du support indiquent une réutilisation rituelle : probablement une porte d’autel ou de grenier à reliques, plus qu’un simple battant domestique. Chez les Punu, les portes sculptées (ikéké ou nzié) avaient une fonction double : protéger l’habitat et conjurer les forces invisibles.
Elles étaient réservées aux chefs, guérisseurs ou devins, et symbolisaient la présence des ancêtres protecteurs ainsi que la fécondité du foyer. La figure féminine, omniprésente dans la statuaire punu, incarne la femme-mère, gardienne du lignage et de la maison, assimilée à la Terre nourricière (Ngadi Mvulu).
Son iconographie renvoie à plusieurs valeurs fondamentales :
La fertilité, garante de la prospérité du clan ;
La protection domestique, exprimée par la gestuelle d’apaisement et de bénédiction ;
La mémoire des mères fondatrices, associées à l’esprit Mbumba, serpent mythique protecteur.
Les scarifications ventrales en damier sont des marques d’initiation féminine et de beauté spirituelle.
La corde tressée et la gousse séchée rattachées au bras droit sont des éléments rituels rares : elles pourraient correspondre à un reste d’offrande propitiatoire, relevant des cultes bwiti ou byeri voisins. Ces portes étaient placées à l’entrée des cases cérémonielles ou des greniers, séparant le monde visible du monde des ancêtres, et pouvaient être hissées verticalement lors des rituels divinatoires. Cette œuvre s’inscrit dans la tradition des portes de prestige de l’aire shira-punu, avec un relief complet et expressif, typique de la région méridionale (Mouila – Mayumba).
L’aspect rustique du support, l’usure cohérente des arêtes, la patine sèche d’ancien grenier et les traces de polychromie blanche permettent d’écarter toute production tardive.
Le visage doux et serein, la planéité du panneau, les scarifications losangées et la coiffure tripartite confirment une attribution sûre au style Punu méridional ancien.
La parenté stylistique avec les masques mukudji et les figures de danse okuyi est manifeste, par la même recherche d’équilibre et de pureté formelle.
Comparaisons muséales : Des exemplaires analogues sont conservés dans plusieurs collections majeures :
Musée du quai Branly – Jacques Chirac, Paris, inv. 71.1933.6.9 et 71.1935.35.3 ;
Musée Royal de l’Afrique Centrale, Tervuren, inv. EO.1950.1.239 ;
Brooklyn Museum, New York, inv. 22.1248 ;
Anciennes collections Duperrier et Hélène & Philippe Leloup, Paris.
Bibliographie sélective :
Louis Perrois, Arts du Gabon, Arthaud, Paris, 1979.
Louis Perrois, La statuaire Punu et ses prolongements stylistiques, CNRS Éditions, Paris, 2008.
A. & F. Leiris, Afrique Noire – La création plastique, Skira, Genève, 1967.
Susan Vogel (dir.), African Art in the Cycle of Life, The Center for African Art, New York, 1986.
G. Massa, Les arts du Gabon méridional, in Arts d’Afrique Noire, n°67, 1988.
État de conservation : Bois ancien stable, patine d’origine, fissures et pertes marginales.
Main droite légèrement fragmentée.
Présence d’éléments rituels d’origine (fibres, gousses séchées).
Ancienne collection privée parisienne, acquise vers 1975 auprès d’un marchand spécialisé dans les arts d’Afrique équatoriale.
Conservée ensuite dans une collection du Sud de la France.
Pièce non restaurée, restée dans sa patine d’origine, avec traces d’usage rituel et d’exposition ancienne.
Les portes Punu anciennes avec figure féminine complète sont rares et recherchées, tant pour leur puissance sculpturale que pour leur charge ethnographique.
Les critères déterminants :