Antiquités de style Louis XV

Style Louis XV

Le style Louis XV et le style gothique sont les seuls styles qu'on pourrait qualifier de « nationaux » ; fantaisistes, originaux, spirituels, demandant tous deux à la ligne courbe la plus grande partie de leur expression décorative, ils obéissent, quoique séparés par un long intervalle de deux siècles, aux mêmes conceptions et aux mêmes principes ornementaux. Si bien que les ondulations flexueuses de la rocaille semblent la continuation naturelle des formes sinueuses du gothique flamboyant. Malgré les reproches sévères que des critiques ont adressés à certaines productions du style Louis XV, il est hors de doute que ces deux styles ont produit, même dans leurs expressions extrêmes : flamboyant et rocaille, des œuvres d'un goût sûr et d'une rare qualité.

Éléments décoratifs Louis XV

Le changement d'échelle, l'emploi exclusif de la ligne courbe, de la ligne ondulée, de la rocaille, le décor asymétrique sont les principales caractéristiques du décor. L'emploi systématique des courbes en C ou en S, mais étirées et allongées, entraîne des formes ondoyantes reconnaissables entre toutes.

Mais, tandis que les lignes droites en se recoupant créent des angles plus ou moins droits, les lignes onduleuses se touchent, entrent en tangence et se prolongent. Une composition faite avec des droites peut se compartimenter, se diviser en parties indépendantes, tandis qu'une décoration faite avec des courbes entraîne la continuité et la liaison des différentes parties ; cette conséquence est nettement visible dans les sièges; un fauteuil Louis XIV se compose de deux éléments distincts : le siège proprement dit et le dossier ; une séparation existe dans le dessin de ces deux portions ; le fauteuil Louis XV n'admet aucune séparation, la même ligne onduleuse part du pied pour gagner le dossier, qu'elle contourne pour venir redescendre dans le pied opposé. L'emploi des lignes courbes aura donc comme conséquence importante l'unité de composition.

La rocaille occupe la première place des motifs ornementaux ; elle tient à la fois des coquilles, des rochers, des coraux et des stratifications diverses. La grande vogue des cabinets d'histoire naturelle et des collections de coquilles n'est peut-être pas étrangère à l'extension donnée à ce singulier motif. On en trouve de toutes formes et de toutes dispositions ; il y en a de régulières et de symétriques, étalant harmonieusement leurs nervures imitées des dentelures d'huîtres ou leurs plissements d'écaille ; mais le plus grand nombre sont irrégulières, asymétriques et d'un aspect très tourmenté. Trouées, perforées, déchiquetées, extensibles, les rocailles forment le motif passe-partout qui sera utilisé en architecture, en sculpture sur bois, en ferronnerie, en orfèvrerie, etc.

Les cartouches, très employés, ont souvent leur axe principal incliné; des ailes accompagnent quelquefois leurs bords irréguliers. Les fonds quadrillés à rosettes ou à fleurs de lis persistent dans les écoinçons autour des glaces ou sur les ceintures des tables. La flore est largement représentée : les fleurs s'étalent en bouquets, en guirlandes ou dans des paniers ; les roses, les marguerites, les églantines sont préférées. Le chêne, le laurier et l'olivier sont arrangés en branches croisées, mais le motif original est demandé au palmier. L'acanthe, fine, allongée, se découpe en pointes aiguës, elle se mélange intimement à la rocaille.

Enfin, les encadrements des glaces sont habituellement faits de tiges de joncs en faisceaux ; des brindilles légères, des feuillages menus, de petites guirlandes ou même de minuscules rocailles entourent alternativement ces faisceaux de façon à en rompre le monotone parallélisme.

La faune est surtout représentée par les colombes et les dauphins. Les attributs de l'amour : arc, carquois, flèches, torche, cœurs percés ; les attributs pastoraux : houlette, musette, panier d'osier, chapeau de paille à grands bords, râteau, cage de la tourterelle : les attributs de musique : violon, tambourin, guitare, flageolet, etc.; les attributs de la chasse, de la pêche, des sciences, etc., fournissent les thèmes des motifs sculptés et peints au centre des panneaux.

En dehors des attributs, les sculpteurs ont emprunté des sujets à la littérature ; ainsi les magnifiques boiseries du cabinet du premier étage aux Archives nationales (hôtel de Soubise), qui représentent les fables de la Fontaine. Tous ces motifs, tous ces éléments, se mélangent, se combinent, s'agrémentent d'entrelacs courbes, de lacets, de petites branches de feuillages, de rubans, de crossettes, etc.

La peinture décorative se limite généralement aux sujets situés dans les panneaux au-dessus des portes, mais, dans certaines petites pièces intimes, on a néanmoins demandé au décor peint une préciosité légère et fine que la sculpture n'aurait pu réaliser ; les scènes appelées « turqueries », « chinoiseries » et «singeries» correspondent à cette ornementation peinte un peu spéciale et en tout cas tout à fait charmante.

Nous sommes ici, évidemment, en présence d'un engouement particulier pour l'exotisme, mais il ne faut pas oublier que Bérain, Marot et bien d'autres décorateurs avaient déjà introduit dans l'ornementation des magots, des singes, des perroquets, et bien d'autres motifs orientaux d'une interprétation, du reste, toute fantaisiste. Dans des encadrements de palmes, de roseaux, de bambous et de feuillages exotiques, se dressent des pagodes, des fontaines, des cascades, des ponts cintrés, tandis que des singes gambadent malicieusement et que des mamamouchis à turbans et des odalisques abritées sous des parasols ou des baldaquins à ailes de chauve-souris mâchent béatement du haschisch ou se livrent aux douceurs innocentes de l'escarpolette.

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