La forte vague d’industrialisation qui marque le XIXe siècle va de pair avec l’évolution des modes de vie et la nécessité de repenser la conception du meuble. Le principe d’unité dans l‘art nouveau va amener la production d’ensembles complets pour une pièce (bureau art nouveau, console art nouveau, buffet art nouveau...) et à l’échelle de la maison, comme le montre la multiplication des demeures “art nouveau”, où l’on ressent une harmonie entre motif, matériau et techniques.
Les concepteurs de meubles, qui ont souvent plusieurs casquettes dont celle d’architecte, articulent une réflexion pour allier la fonctionnalité à l’esthétique. Si des ouvriers d’art comme Eugène Vallin et Eugène Grasset ne rejettent pas la mécanisation, ils la limitent et privilégient la méthode artisanale qui rapproche de la tradition. Citons l’imposante banquette d’Eugène Gaillard, réalisée en noyer nervuré, mouluré et mouluré, que l’on croyait perdue. Cette pièce d’exception était présente dans le pavillon Art Nouveau de Siegfried Bing à l’exposition universelle de 1900. Il produit nombre de meubles en collaboration avec Édouard Colonna et Georges de Feure pour Siegfried Bing. D’un autre côté, l’école de Nancy opte pour une mécanisation accrue et une rationalisation de la production. Cette véritable industrie d’art emploie jusqu’à 250 ouvriers en 1889 et presque 900 en 1905. Ce sont les exécutants, tandis qu’Émile Gallé et Louis Majorelle sont les concepteurs, et se consacre à des pièces de luxe destinées aux salons et expositions à portée nationale et internationale. La production en série tend à s’équilibrer entre motif et structure dans un rapport d’efficacité.
On parle de “petits meubles à bon marché” cependant, l’ensemble de la production s’adresse à une clientèle d’élites. En même temps ce succès incite des ébénistes moins connus, comme Gauthier-Poinsignon, à proposer une production naturaliste pour une clientèle plus modeste. Un ancien élève de l’école de Nancy, Camille Gauthier, décide d’orienter sa production exclusivement sur des meubles plutôt simples et fonctionnels avec un décor naturaliste. L’équilibre atteint entre la recherche formelle et la qualité d’exécution lui valent une certaine reconnaissance. Côté parisien, le mouvement “l’art dans tout” tente aussi d’imposer sa légitimité. Des artistes comme Charles Plumet, Tony Sermersheim et Louis Sorel se donnent pour objectif de produire un mobilier accessible aux ménages les plus modestes, en produisant du mobilier peu coûteux impliquant l’usage des machines. Le mobilier “silex” pour les intérieurs ouvriers allie une idée de fonctionnalité avec celle du confort. Il utilise des bois peu coûteux comme le sapin et le peuplier et réalise ses motifs simples et géométrisés au pochoir. Gustave Serrurier-Bovy atteint l’objectif que les artistes art nouveau s’étaient fixés, c’est-à-dire rendre le mobilier accessible à tous.